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Étude de cas #1

Étude de cas #1

 


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Voici un exemple de plainte liée à une interpellation policière qui a mené à une décision du Tribunal administratif de déontologie policière. D'autres cas seront présentés dans la prochaine édition.

Les policiers voient une voiture qui n’a pas de plaque d’immatriculation dans le stationnement d'un restaurant tard le soir.

Le restaurant est connu des policiers comme étant fréquenté par des membres de gang de rue ou autres sujets qualifiés «d’intérêt», et que l’on considère l’endroit comme un lieu où se transigent des stupéfiants. Son propriétaire est connu des milieux policiers et considéré comme personne «d’intérêt».

Les policiers croient à ce moment que tous les commerces sont fermés, car le stationnement est désert, à l’exception du véhicule ciblé, dont le moteur et les lumières sont éteints.

L’agent A aperçoit, à ce moment, qu’une immatriculation temporaire est collée à l’intérieur de la vitre teintée arrière du véhicule.

Les policiers sortent de leur véhicule aux fins de connaître la raison de la présence de cette automobile dans le stationnement, alors que tous les commerces sont fermés.

L’agent A éclaire l’intérieur de l’auto et constate qu’il n’y a personne sur le siège du conducteur. II ouvre la portière du conducteur et penche la tête à l’intérieur.

Le policier constate qu'il y a un individu assis sur le siège du passager. Il lui demande alors de s’identifier, ce qu’il refuse. 

Questions

  • L'agent A a-t-il des motifs nécessaires pour réaliser une interpellation? 
  • Avait-il le droit d'ouvrir la portière de la voiture?

L’agent A constatant l’absence de coopération du passager lui dit alors : « Je veux savoir ce que tu fais ici dans un véhicule. Tous les commerces et toutes les lumières sont fermés. Fais-tu le guet pour une intro? Attends-tu quelqu’un qui va sortir? Je t’enquête pour des raisons criminelles et non le Code de la route ». Le passager refuse toujours de collaborer. 

Pour le policier, l’intervention devient à ce moment une « détention pour fins d’enquête », considérant la non-collaboration et le ton agressif du passager. 

Questions

  • L'agent A avait-il le pouvoir d'insister après le refus du citoyen de s'identifier?
  • Avait-il les motifs suffisants pour réaliser une détention pour fins d'enquête?

Il referme la portière du conducteur, contourne l’auto par l’arrière et ouvre la portière avant du côté passager. L'agent B, qui se tenait du côté droit à l’arrière de l’auto, s’approche également de la portière du passager.

L’agent A précise que, dès lors, il a l’intention de sortir le passager du véhicule, car il n’entend pas discuter avec un individu à l’intérieur d’une auto stationnée devant un lieu « d’intérêt » connu. Parvenu du côté passager, il ouvre la portière et demande à nouveau au passager son nom et les raisons pour lesquelles il se trouve à cet endroit. Puis, il ordonne au passager de sortir du véhicule, ce que le passager refuse de faire. Le policier agrippe le chandail du passager et tente de le sortir du véhicule, ce qu’il réussit à faire à la troisième tentative. Une fois immobilisé, le passager est menotté.
 

Questions

  • Si le citoyen était bel et bien détenu à des fins d'enquête à ce stade, qu'est-ce que le policier aurait pu faire différemment pour l'amener à collaborer?
  • Était-il légitimé de faire usage de la force?
  • Était-il légitimé de menotter le passager?

Des gens qui étaient dans le restaurant sortent de celui-ci. Surpris de la présence de ces gens qui s’approchent, l'agent A demande des renforts et se positionne devant le groupe en leur intimant l’ordre « Back up, back up, get back to the restaurant », tout en brandissant son bâton télescopique.

Le propriétaire demande aux personnes sorties du restaurant d’y retourner en disant « Let them do their job » et en répétant aux policiers : « The guy is a teacher, he’s a good guy ».

Le citoyen qui a été menotté au sol, est relevé et amené près du véhicule de patrouille où il est fouillé, alors que son portefeuille est pris dans une poche de son pantalon. Il est ensuite placé à l’arrière du véhicule de patrouille, le temps pour l'agent B de réaliser ses vérifications. Toutes les vérifications, tant pour le véhicule que pour le conducteur et le passager, s’avèrent négatives.

 

Questions

  • Les policiers étaient-ils légitimés de placer le citoyen dans une voiture de police et de le garder menotté?
  • Étaient-ils légitimés de le fouiller?
  • Étaient-ils légitimés de l'identifier contre son gré?

Les deux policiers considèrent alors qu’il n’y a pas matière à accusation criminelle compte tenu du contexte et de l’évènement, mais que le refus de s’identifier et de justifier sa présence peut constituer une infraction à un règlement municipal.

Les deux policiers se mettent donc à la recherche d’une disposition similaire en fouillant chacun de leur côté le règlement municipal. Finalement, les deux s’entendent sur un article, dont le texte abrégé qu’il consulte mentionne : « a été trouvé errant sans pouvoir justifier sa présence ». Un constat d’infraction alléguant cette infraction est rédigé par le second policier. Le passager est ensuite sorti du véhicule, démenotté, et le constat lui est remis.

 

Question

  • Que pensez-vous de cette démarche des policiers?


Décision du Tribunal administratif de déontologie policière

Les policiers ont chacun obtenu une suspension de 10 jours pour leurs actes dérogatoires lors de cette intervention :

  • en interpellant illégalement le passager;
  • en procédant illégalement à l’arrestation du passager;
  • en faisant usage illégalement de la force à l’égard du passager; 
  • en portant une accusation sans justification contre le passager.

Voici quelques extraits portant sur le raisonnement derrière la décision du Tribunal :  

« Rien dans cette situation ne permettait l’intrusion dans le véhicule en ouvrant la porte sans avertissement et encore moins la détention même brève du passager, [...], qui n’avait aucune obligation de s’identifier. Rien dans l’attitude [du passager] ne laissait croire qu’il était à faire le guet pour un quelconque complice et aucun autre élément factuel ne permettait, de manière autre qu’intuitive, d’associer la présence de ce véhicule, visible [...] , et de son occupant, à la commission d’un crime se déroulant ou à être commis ». 

« C’est le refus de collaborer qui a rendu le passager «suspect» de la possible commission d’un crime toujours indéfini et basé sur de simples impressions. C’est donc, finalement, l’exercice du droit qu’avait [le passager] de ne pas s’identifier ou de collaborer qui est devenu pour le policier le «motif raisonnable » de le soupçonner et non, suivant l’ordre logique qui aurait dû prévaloir, un ensemble de faits concordants le motivant à soupçonner et donc à détenir et, si nécessaire, obtenir son identité ».

De plus, « les deux policiers témoignent à l’effet qu’ils n’avaient pas pris connaissance de la version complète au moment de rédiger le constat d’infraction. Les deux admettent également, après avoir connaissance de l’article 11.6 en entier, que [le passager] n’avait pas commis l’infraction y apparaissant ». 

«De même, le deuxième volet de cette infraction supposée, «sans pouvoir justifier sa présence», n’avait plus raison d’être un élément de reproche contre [le passager], comme d’ailleurs il ne l’avait jamais été, puisque les policiers connaissaient maintenant toutes les raisons justifiant cette présence et même plus, compte tenu de l’information personnelle obtenue sur [le passager] et résultant des vérifications faites auprès des différents centres de renseignements ».

«Ce deuxième élément de l’infraction remise [au passager] est d’autant plus surprenant quant à l’agent [...] qui a admis que, pour lui, dans le contexte de cette affaire, le passager n’avait pas à s’identifier. De l'avis du Tribunal, le but de ce constat d’infraction non justifié, était avant tout de tenter de maquiller l’erreur flagrante commise en intervenant auprès [du passager] de la manière déjà décrite. Les agents ont donc sciemment porté une accusation sans justification contre [le passager] ». 

 

 

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Commissaire à la déontologie policière

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