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Tirer des leçons

Tirer des leçons

Être filmé(e) dans l'exercice de ses fonctions

Voici un extrait d’une décision en déontologie policière anonymisée portant sur la réaction négative d'un policier concernant le fait de se faire filmer par un citoyen. Celle-ci constitue un point de départ pour nourrir une réflexion sur les leçons qu'on peut tirer de cette plainte ou les usages qu'on peut faire de cette plainte ou de toute plainte similaire.

Le policier intercepte le plaignant qui circulait à vélo sur la piste cyclable puisqu’il n’a pas fait son arrêt obligatoire. Alors qu’il informe le plaignant de l’infraction, ce dernier s’oppose en demandant : "Pourquoi pas les cinquante (50) autres?" Le policier demande au plaignant de s’identifier avec une pièce d’identité.

Dès que le plaignant a commencé son enregistrement, on entend le policier lui dire «Tu me filmes, tu me prends en photo, je t’arrache ton téléphone, et je le casse ».

 

5 actions pour aider vos policiers à mieux vivre avec le fait d'être filmé

En bref :

  1. Utiliser cette plainte comme un outil pour susciter une réflexion et une discussion chez les membres de votre équipe.
  2. Tenter de comprendre la perspective des agents sous votre gouverne.
  3. Mettre de l'avant les bienfaits liés au fait d'être filmé par un citoyen.
  4. Rencontrer tout agent présent sur une vidéo diffusée sur les médias sociaux ou traditionnels.
  5. Donner des conseils sur les façons de mieux gérer le fait d'être filmé.

 

1. Utiliser cette plainte comme outil de réflexion et de discussion pour votre équipe

Voici quelques idées de questions que vous pouvez poser pour animer une discussion sur cette plainte spécifique :

  • Pourquoi le policier a-t-il réagi de cette façon au fait d'être filmé?
  • Comment pensez-vous que le citoyen s'est senti en lien avec la réaction du policier?
  • Le policier aurait-il pu agir autrement? Si oui, comment?
  • Pourquoi pensez-vous que le citoyen a commencé à filmer le policier?
  • Le citoyen aurait-il pu agir différemmment? Si oui, comment?

Bien que le but de la discussion ne soit pas d'obtenir une bonne réponse, des déclarations tirées de la décision du Tribunal administratif de déontologie policière offre des pistes de réponses à certaines de ces questions :

  • Le plaignant affirme que l’attitude du policier a changé vers l’arrogance et c’est pourquoi il décide de commencer à le filmer avec son téléphone cellulaire. 
  • Le policier s’est senti intimidé par le comportement du plaignant, qui a approché son cellulaire près du visage du policier juste avant de démarrer l’enregistrement. 
  • Le plaignant s’est senti intimidé par les propos du policier, c’est pourquoi il a gardé l’orientation de la caméra vers lui-même pour enregistrer la suite de l’intervention. 
  • Le policier reconnaît avoir eu une conduite inappropriée en prononçant ces paroles, et que même considérant l’attitude du plaignant, il aurait dû garder son sang-froid et ne pas entrer dans son jeu. Il croyait erronément qu’il pouvait demander à l’individu, qui fait l’objet de l’interception policière, de ne pas filmer.

 

2. Tenter de comprendre la perspective de vos agents et agentes de la paix

Des policiers sous votre gouverne pourraient être préoccupés ou perturbés par le fait d'être filmés pour une ou plusieurs raisons.

Ils perçoivent un manque de respect à leur endroit

Certains perçoivent le fait d'être filmé comme un manque de respect, voire une tactique d’intimidation à leur endroit. En effet, il arrive souvent que des citoyens ne se contentent pas simplement de filmer l'intervention policière et qu'ils émettent par le fait même des commentaires provocateurs et intimidants ou accusent le policier d'abus inexistants.

De plus, plusieurs citoyens filment des interventions policières non pas dans le but de se protéger ou d’obtenir une preuve que le policier a mal agi, mais plutôt dans le but de tenter de prendre le policier en défaut, diffuser la vidéo en ligne et ainsi l'humilier publiquement. Le policier craint que si cette vidéo est diffusée, il soit par la suite victime de « doxxing », c’est-à-dire de voir son identité révélée ainsi que ses informations personnelles diffusées, recevoir des menaces, voir sa réputation ternie et même sa famille ciblée.

Ils perçoivent un manque de respect à l’endroit d’autres citoyens

Lorsqu’un citoyen filme une intervention qui ne le concerne pas, certains policiers perçoivent ce geste comme un manque de respect à l’endroit de citoyens impliqués dans cette intervention. En effet, certains citoyens n’apprécient pas non plus le fait d’être filmés sans leur consentement, en particulier lors d'un moment de grande vulnérabilité. Par exemple, il arrive que des personnes filment des scènes d’accident impliquant des personnes décédées ou bien des interventions policières à des fins de divertissement sans prendre en considération qu’il est question d’un moment tragique dans la vie d'une personne.

Le fait d'être filmé nuit à leur performance

Certains policiers sont contrariés par le fait d’être filmé, car cette action a pour effet d'entraver l’exercice de leurs fonctions ou de nuire à leur performance pour différentes raisons :

  • Il est commun que des citoyens filment trop près d’une intervention et empêchent physiquement le policier d'accomplir son travail.
  • Des citoyens filment parfois des choses, des lieux, des personnes ou des situations qui, si elles étaient diffusées, pourraient nuire au déroulement d’une enquête.
  • Comme pour la plupart des gens, des policiers n'aiment pas se sentir surveillés pendant l’exercice de leurs fonctions. Une réaction humaine au fait d’être observé et de voir ses actions scrutées est de ressentir un inconfort. Pour certains policiers, le fait d’être filmés leur pose un stress supplémentaire lors de la réalisation d'une intervention et peut alors nuire à leur concentration et à leur performance. Ce stress est susceptible d'être amplifié si le citoyen qui filme émet en plus des commentaires.

Ils craignent d’être représentés erronément

Certains policiers craignent d’être représentés incorrectement de diverses façons. Quelques-uns ne se trouvent pas photogéniques, d’autres redoutent qu’une vidéo mettant en scène une de leurs interventions soit filmée et montée de façon à les faire mal paraître. De plus, ils savent que même si la vidéo d’une intervention difficile est filmée selon les règles de l’art et est diffusée dans son intégralité, celle-ci peut malgré tout être perçue erronément comme étant problématique, violente et désordonnée par le public, en raison de leur manque de connaissances sur les pratiques policières.

 

3. Parler des bienfaits associés au fait d’être filmé par un citoyen

Malgré ce qui précède, vous devriez rappeler à vos policiers et à vos policières que le citoyen a le droit de filmer une intervention policière et qu’ils devraient se laisser filmer pour diverses raisons :

  • Il est primordial que les policiers acceptent qu'ils doivent demeurer imputables en tout temps et faire preuve de transparence devant le public. Lorsqu'un policier encourage les citoyens à le filmer, il démontre qu'il n'a rien à cacher et qu'il a une grande confiance en ses compétences. Ce geste a donc pour effet d'inspirer confiance. Par le fait même, ce geste a aussi pour effet d'enlever du pouvoir aux citoyens qui filment le policier dans le seul but de l'intimider.
  • Certains citoyens filment une intervention policière les impliquant, car ils ressentent un besoin sincère de se protéger contre de potentiels abus de pouvoirs policiers. Il ne faut cependant pas minimiser le nombre de citoyens ayant une peur réelle de la police et craignant de ne pas être crus si la police venait à abuser de ses pouvoirs en l'absence de témoins. Ce ne sont pas tous les citoyens qui filment à des fins de provocation.
  • Il arrive régulièrement que nous recevions des plaintes de citoyens incluant une vidéo fournie en guise en preuve qui nous amène au contraire à conclure que le policier a bien agi. Parfois, le Commissaire peut même décider, à la vue de cette vidéo, de souligner la bonne conduite du policier ou de la policière à la direction de son organisation policière, pouvoir qu'il détient en vertu de l’article 188 alinéa 2 de la Loi sur la police.
  • À force d’être exposé à des vidéos de ce type dans les médias sociaux et traditionnels et que des spécialistes de la profession policière profitent de cette occasion pour éduquer le public sur les pratiques ou les pouvoirs policiers, il se peut que le public acquière éventuellement une meilleure compréhension du travail policier.
  • Ces vidéos peuvent servir de preuve si une infraction est commise par une personne du public. Si cette vidéo est diffusée publiquement en ligne, les policiers peuvent copier celle-ci sans avoir à aller chercher un mandat. 

 

4. Rencontrer tout policier visible sur une vidéo diffusée sur les médias sociaux ou traditionnels

Lors de cette rencontre, il peut être utile, selon les circonstances, d'entreprendre une ou plusieurs actions suivantes: 

  • Reconnaître que ce n’est pas agréable d’être filmé lors d’une action policière. 
  • Prendre le temps de laisser ce policier ventiler et de l'écouter activement.
  • Évaluer la situation et fournir le type de soutien approprié par rapport au risque présent (niveau d’anxiété du policier, étendue de la diffusion, nature de l’événement filmé, comportement du policier lors de cet événement et les impacts organisationnels de la diffusion de la vidéo).
  • Selon la situation, vous pourriez donc :
    • le rassurer ou valider ses sentiments;
    • lui donner des conseils pour mieux gérer le fait d’être filmé;
    • lui demander de rédiger un rapport sur ce qui s’est passé;
    • aviser votre supérieur ou l’équipe des communications de la situation.
  • Faire une veille sur ce policier, qui risque de vivre un moment difficile, peu importe qu’il ait agi adéquatement ou non lors de l’intervention. Le cas échéant, n'hésitez pas à le conseiller de faire appel à des ressources en santé psychologique. 

 

5. Aider les policiers à mieux gérer le fait d’être filmés

Voici quelques conseils que vous pouvez leur prodiguer : 

  • Ignorer et ne pas faire mention de la caméra au meilleur de leurs capacités, à part si la personne derrière la caméra entrave leur travail. 
  • Essayer de rester le plus calme et neutre possible, même si des citoyens essaient de provoquer une réaction chez eux. Plus ils sont ennuyants à regarder, moins la vidéo est susceptible d’être diffusée ou médiatisée. 
  • Accepter qu’il s’agisse de la nouvelle réalité du travail policier et qu’ils doivent toujours tenir pour acquis qu’ils sont filmés.
  • S'ils doivent dire à un citoyen qui filme de s’éloigner, ils doivent le faire de la façon la plus claire possible afin de donner une image professionnelle et bien intentionnée. Au lieu de dire « Allez-vous-en», ils devraient dire « Reculez d’au moins 5 mètres et allez sur le trottoir près de la voiture bleue ».
  • Lorsqu’un citoyen filme un lieu public où une tragédie vient de survenir comme une scène d’homicide ou d’accident, les policiers peuvent essayer de plaider avec lui d’avoir du respect pour la dignité de la victime ou celle de ses proches, même s'ils ne peuvent pas empêcher le citoyen de filmer.
  • S'ils discutent avec un citoyen et que celui-ci est mal à l’aise avec le fait d’être filmé par une tierce personne, les policiers peuvent demander au citoyen s'il préfère se rendre dans un lieu moins public pour continuer la discussion, comme une voiture de patrouille ou dans un poste de police. 
  • Employer des moyens de communication non verbale pour soutenir leur partenaire si celui-ci commence à perdre son calme en raison de la présence d'un citoyen qui filme. Par exemple, lui donner une petite tape sur l'épaule pour l'aider à prendre conscience de ce qu’il fait ou dit.
  • Ne pas exercer de représailles contre un citoyen qui les filme en trouvant des motifs obliques pour l’arrêter ou lui donner des constats d’infraction. 

Vous pouvez aussi : 

  • Leur rappeler les pouvoirs policiers en matière de saisie et de fouille de téléphones cellulaires. Par exemple, en aucun cas un policier ne peut prendre un cellulaire d’un citoyen pour effacer du contenu.
  • Pratiquer des mises en situation dans lesquelles un citoyen se met à les filmer alors qu’ils sont en train de réaliser une intervention policière. Ils doivent non seulement apprendre à s’assurer que ce citoyen n’entrave pas leur travail, mais également à montrer une image de professionnalisme pendant qu’ils le font. 

 


 

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